samedi 4 octobre 2014

L’ÉTONNANTE ACTUALITÉ D’UNE POLITIQUE ÉTRANGÈRE


En août 1971, Washington annonce la fin de la convertibilité du dollar en or, augmente de 10 % les taxes aux importations, réduit de 10 % son aide extérieure, dévalue le billet vert et procède à d’importantes émissions d’obligations pour financer la guerre au Vietnam, la course à l’espace et des investissements en Europe, au Canada et au Japon. Ces mesures portent préjudice à plusieurs pays du Sud, qui voient diminuer la valeur de leurs réserves en dollars.

Les pays d’Amérique latine se réunissent le mois suivant à Buenos Aires pour analyser la situation dans le cadre de la Commission spéciale de coordination latino-américaine (CECLA (4)). Même les Etats gouvernés par des dictatures font le déplacement. Dans la capitale argentine, Gonzalo Martner, ministre chilien de la planification, développe ses propositions pour un nouveau système monétaire international : il suggère tout d’abord de protéger les monnaies nationales contre les dévaluations du dollar en rompant leur lien avec le système monétaire international. Il propose ensuite de chercher un mécanisme susceptible de faire participer les pays en développement aux grandes décisions de politique monétaire internationale. Il demande enfin une conférence internationale où seraient représentés tous les intérêts économiques de la planète. Chargée de réformer le système monétaire, elle serait dotée de plus de ressources pour les pays en développement, qui pourraient les utiliser librement.

Un nouveau rôle pour la Cnuced

Dans son discours d’ouverture de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (Cnuced) à Santiago, en avril 1972, devant quelque 3 000 délégués et observateurs issus de 131 pays, Allende, met — déjà ! — en garde contre la politique des Etats-Unis, du Japon et de la Communauté économique européenne (CEE, ancêtre de l’actuelle Union européenne) visant à démanteler progressivement les obstacles au libre-échange. Selon lui, « libérer le commerce (...) efface d’un trait les avantages que le système de préférences généralisées (5) apporte aux pays en développement ».

Mais la principale menace pour le tiers-monde, poursuit Allende, réside dans le fait « que les trois grandes puissances économiques prétendent mettre en place cette politique non pas à travers la Cnuced, mais à travers le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade, ancêtre de l’Organisation mondiale du commerce) ». Or, le GATT n’est pas soumis aux principes de l’Organisation des Nations unies (ONU), sa composition n’a rien de représentatif et l’organisation a démontré un souci particulier pour les intérêts des pays dominants...

Allende lance un appel pour la défense de la Cnuced, forum le plus représentatif de la communauté mondiale puisqu’il permet de négocier les questions économiques et commerciales sur un plan d’égalité juridique : les peuples du tiers-monde, qui n’ont «pas pu[s’]exprimer à Bretton Woods » ni dans d’autres colloques fondateurs du système financier international, ont besoin d’un outil efficace pour défendre leurs intérêts, avance-t-il. Il propose donc de transformer la Cnuced en institution permanente, susceptible de devenir « le principal et le plus efficace des instruments pour que le Tiers-monde négocie avec les nations développées ».

Dans cette optique, la Cnuced endosserait quatre grandes missions. Tout d’abord, réfléchir à « un nouveau système monétaire, étudié, préparé et géré par toute la communauté internationale, qui devrait s’occuper du financement du développement des pays du Tiers-monde tout comme de l’expansion du commerce international ». Constatant ensuite que la dette externe « constitue un des principaux obstacles aux progrès », Allende propose que la Cnuced se charge d’en effectuer un « audit » (lui parle d’« étude critique sur la manière dont le tiers-monde a contracté sa dette externe »). La troisième mission consisterait à développer des médias contrôlés par l’ONU, pour compenser la concentration de l’information et de la publicité aux mains de consortiums qui « ne font qu’augmenter notre dépendance et sont en train de détruire nos valeurs culturelles ». Allende suggère enfin que la Cnuced étudie un « plan de désarmement de manière à destiner un pourcentage important des frais liés à la production d’armes et à la guerre, à un fonds de développement humain homogène, chargé, entre autres, d’octroyer des prêts à long terme aux entreprises et aux pays du tiers-monde ».

Quelques mois plus tard, devant l’Assemblée générale de l’ONU, en décembre 1972, Allende met en garde contre l’accroissement du pouvoir des multinationales qui échappent au contrôle démocratique : « Nous sommes devant un véritable conflit frontal entre les corporations multinationales et les Etats. En effet, leurs décisions fondamentales — politiques, économiques et militaires — sont influencées par des organisations globales qui ne dépendent d’aucun Etat et dont l’ensemble des activités ne rend de compte à aucun parlement ».

Intégration latino-américaine

Entre 1970 et 1973 le paysage politique latino-américain est plutôt adverse au gouvernement de l’UP. Le Brésil, l’Argentine et la Bolivie (depuis août 1971) se trouvent sous le joug de dictatures militaires (ils seront bientôt rejoints par l’Uruguay). La Colombie est gouvernée par un conservateur, Misael Pastrana, et le Venezuela par un social-chrétien, Rafael Caldera. Seuls les militaires péruviens « réformistes » regardent avec sympathie l’expérience socialiste chilienne, tout comme le président du Mexique, Luis Echeverría.

Le Chili d’Allende pratique une diplomatie soignée. Il réussit à soumettre à l’arbitrage de la couronne britannique les délicats litiges frontaliers avec l’Argentine. Et, avant le coup d’Etat de 1971 en Bolivie, il négocie avec La Paz le rétablissement de relations diplomatiques accueillant favorablement la demande maritime bolivienne (6). En même temps, le Chili accorde l’asile à des milliers d’exilés politiques des pays latino-américains en dictature.

Le gouvernement d’Allende repousse le panaméricanisme — bloc de toute l’Amérique avec prééminence des Etats-Unis— et son bras politique, l’Organisation des Etats Américains (OEA), qui siège à Washington. Une communauté d’intérêts entre des économies faibles et la principale puissance est impossible, affirme Allende, qui propose que l’OEA devienne un lieu de dialogue entre les Etats-Unis et l’Amérique latine.

La diplomatie de l’UP prône la création d’un «système latino-américain » « d’intégration et de complémentarité de nos économies, dans le cadre de l’association latino-américaine de libre commerce et du marché commun des pays andins (7) ». Elle encourage le développement du marché commun entre les pays du « Pacte andin (8) » et soutient vivement leur « Décision 24 », qui régule les investissements étrangers, limitant la concurrence entre les pays et fixant un plafond de 14 % au rapatriement de capitaux des entreprises étrangères.

Ces idées sont précisées dans le Conseil latino-américain économique et social, en septembre 1971, à Panama ; Gonzalo Martner y formule quatre propositions intégrationnistes : 1) demander aux Etats-Unis un moratoire sur la dette externe pendant une décennie pour affecter ces sommes aux politiques de développement ; 2) créer une banque centrale latino-américaine pour « placer les réserves de l’Amérique latine, dont 70 % se trouvent aux Etats-Unis », recevoir « les dépôts et les actifs de la région » et coordonner les opérations des banques centrales afin de protéger la région des turbulences financières ; 3) promouvoir la création d’un fonds mondial de technologies pour le développement, alimenté des apports obligatoires en licences, procédés industriels et autres fonds destinés à la recherche, de manière à limiter les abus associés à la propriété technologique ; 4) créer une organisation latino-américaine pour le développement de la science et de la technologie appropriée à la région.

Six semaines avant le coup d’Etat du 11 septembre 1973, le ministre des affaires étrangères Orlando Letelier (9) constate que l’utilisation du dollar constitue un obstacle important au commerce entre les pays du pacte andin. Il propose de l’éviter en cherchant d’autres instruments d’échange : « Il sera peut-être nécessaire de concevoir un moyen de paiement propre et autonome (10)  ».

Même si pratiquement aucune de ces idées, énoncées il y a quarante ans, n’a pu se concrétiser, elles restent d’une actualité saisissante. Le rétablissement des relations entre le Chili et la Bolivie passe toujours par la demande maritime bolivienne. La plupart des gouvernements latino-américains ont rejeté une nouvelle version du panaméricanisme, présentée par Washington sous la forme d’une zone de libre-échange allant de l’Alaska à la Terre de feu (11), optant pour une organisation propre, excluant les Etats-Unis (la Communauté des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes, CELAC). Et l’idée d’un système financier régional alimenté avec les réserves des banques centrales fait, peu à peu, son chemin (12), tout comme la réflexion sur le poids politique des médias (13), sur le poids économique du dollar ou la légitimité du fardeau de la dette externe (14)...

Jorge Magasich
Historien, chargé de cours à l’Institut des hautes études des communications sociales de Bruxelles, auteur de Los que dijeron « No ». Historia del movimiento de los marinos antigolpistas de 1973, LOM, Santiago (Chili), 2008.
NOTES :

(1) Communistes, Socialistes (à l’époque plus à gauche que les communistes), Radicaux (laïques), MAPU (chrétiens de gauche devenus marxistes) et l’IC (gauche chrétienne). Le Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR, inspiré de la révolution cubaine), apporte un soutien critique de l’extérieur.

(2) Discours d’Allende lors de la séance d’inauguration de la Cnuced III, Santiago, avril 1972.

(3) Amérique-latine : Cuba et Guyana. Afrique : Congo, Guinée-équatoriale, Libye, Madagascar, Nigeria, Tanzanie et Zaïre. Europe : Albanie, République démocratique allemande et Hongrie. Asie : Afghanistan, Bangladesh, Cambodge, Corée du Nord, Chine, Mongolie, Vietnam (gouvernement provisoire) et Vietnam du Nord.

(4) Créée en 1964 à l’initiative de dix-neuf pays latino-américains réunis à Alta Gracia (Argentine) pour préparer la première réunion de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (Cnuced) ; elle dénonce le caractère discriminatoire du commerce international et propose la création d’un Fonds mondial pour financer l’alimentation, dans le système de l’Organisation des Nations unies (ONU).

(5) Avantages douaniers pour les pays en développement mis en place en 1968 : certains produits peuvent arriver sur les marchés des pays du « Nord » avec peu ou pas de taxes douanières, sans réciprocité.

(6) La Bolivie a été privée de sa province maritime en 1883, annexée par le Chili après la « guerre du salpêtre ». Depuis lors, pratiquement tous les gouvernements boliviens ont demandé un accès à la mer. Les deux pays n’ont pas de relations diplomatiques à cause de ce dossier.

(7) Discours devant l’assemblée générale de l’ONU, 4 décembre 1972.

(8) La Bolivie, le Chili, la Colombie, l’Équateur et le Pérou venaient de signer la « Déclaration de Cartagena » en 1969. Le Venezuela y adhérera en 1973.

(9) Assassiné par la police secrète de la dictature chilienne en septembre 1976 à Washington, où il était exilé.

(10) Martner Gonzalo, 1988, El Gobierno del Presidente Salvador Allende, 1970-1973. Una evaluación, Ed. Prog. de Estudios del Des. Nac. y Ediciones literatura americana 193-198 ; 214.

(11) Dorval Brunelle, « De l’Alaska à la Terre de feu, le tout-commerce à l’œuvre », Le Monde diplomatique, avril 2001.

(12) Damien Millet et Eric Toussaint, « [Banque du Sud contre banque mondiale », Le Monde diplomatique, juin 2007.

(13) Lire Renaud Lambert, « En Amérique latine, des gouvernements affrontent les patrons de presse », Le Monde diplomatique, décembre 2012.

(14) Eric Toussaint et Damien Millet, « Payer la dette : l’Equateur dit “non” », Le Monde diplomatique, juillet 2011.

mercredi 10 septembre 2014

ALLENDE EXEMPLE INALTÉRABLE

Pourquoi ces compagnies avaient demandé ça ?

 LE PRÉSIDENT SALVADOR ALLENDE GOSSENS 
Parce que le programme du gouvernement d’Allende contemplait la nationalisation des mines du cuivre du Chili. Allende s’est basé dans la loi internationale pour récupérer ces mines qui depuis plus de 50 ans avaient été exploitées par des compagnies transnationales étasuniennes. Cette loi est la RÉSOLUTION 1803 de Nations Unies (vous pouvez lire les 8 articles, très courts et très clairs «Souveraineté permanente sur les ressources naturelles »).

Cette Résolution avait été adoptée en 1962, huit ans avant la campagne présidentielle d’Allende.

Allende estimait que les énormes richesses de ces mines de cuivre devaient être employées pour construire des hôpitaux, des écoles, des universités, des routes, enfin ces richesses devaient bénéficier son propre pays et non pas des compagnies transnationales étasuniennes. Allende s’est appuyé sur cette loi de Droit International.

Allende avait explique son propos, des mois de préparations,  et c’est ainsi que les élus de la république du chili se sont réunis en Congrès, sénateurs et députés, et ils ont voté  à la majorité absolue (sauf quelques personnes) la nationalisation des mines de cuivre du Chili.

Allende avait osé défier le pouvoir financier. Avait osé entraver par la loi de Nations Unies ce que ces grandes compagnies transnationales considéraient comme leur « affaire ».

Le peuple chilien avait voté pour Allende, les élus de la république avaient tranché en faveur de cette loi. Enfin ces richesses allaient profiter aux habitants de ce pays…

Ce pays avec un nom si particulier où la nature  --l’évolution de milliers de siècles  de masses telluriques--  avait placé  ces immenses mines de cuivre, le Chili.

 LE PRÉSIDENT SALVADOR ALLENDE GOSSENS 
L’exemple de comment Allende avait travaillé politiquement cette récupération des richesses du Chili n’était pas une bonne chose à laisser se répandre sur ces terres gigantesques,  regorgeant des richesses, de l’immense América del Sur. Il fallait que le modèle de soumission soit préservé à tout prix. A tout prix, même l’assassinat, come cela se faisait depuis de décennies. A tout prix maintenir la politique de prédation ;  il fallait décourager les autres pays de l’Amérique Latine…  ils n’ont pas hésité à tuer la vie démocratique du chili, c’est fut le 11 septembre 1973, le crime a eu lieu il y 41 ans.

Allende,  le président de ce pays,  ne s’est pas laissé impressionner par le déploiement de l’armée. Les militaires voyant qu’Allende ne se rends pas, donnent l’ordre de bombarder le palais présidentiel. C’est un acte de guerre, un acte de guerre contre une trentaine de personnes réunis autour d’Allende. Des bombes lancées depuis des avions contre une trentaine de personnes que n’avaient commis d’autre faute que d’être élus par le peuple pour accomplir un programme de gouvernement.

Allende est un exemple. Exemple de respect de la parole engagée, exemple de courage pour faire respecter le droit des citoyens du Chili à disposer de ses propres richesses.

Du coup son exemple deviens notre « richesse » ;  transcende comme l’eau lustrale d’une source vive, comme le vent  vient nous inviter à inaugurer les nouveau chemins… celui de l’humanité  émancipée.

Honneur à toi cher camarade Salvador Allende.

Honneur à vous, Monsieur le Président du Chili.

mardi 7 janvier 2014

CHILI : LA COUR SUPRÊME CONCLUT AU SUICIDE DE SALVADOR ALLENDE

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Selon le rapport de la Cour, dont un extrait est publié sur le site du journal chilien La Tercera, le 11 septembre 1973 Salvador Allende s'est dirigé vers le salon de l'Indépendance, « fermant la porte derrière  lui » : « Une fois à l'intérieur, il s'assit sur un canapé, mis le fusil dont il disposait entre ses jambes, le plaça contre son menton puis l'actionna, provoquant sa mort immédiate. »

LA THÈSE DU COMPLOT PUTSCHISTE ÉCARTÉE

La procédure a débuté en mai 2011, lorsque la dépouille de Salvador Allende est exhumée dans le cadre d'une procédure ouverte pour déterminer les causes réelles de sa mort. Des homme politiques et journalistes étrangers estimaient qu'Allende avait pu être assassiné par un putschiste, d'autres évoquaient un possible « suicide assisté », au cours duquel le président aurait raté sa tentative et un garde du corps lui aurait tiré le coup de grâce.


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Mais quelques mois plus tard, des experts médicaux chiliens concluaient au suicide, confirmant ainsi la thèse officielle, soutenue par les proches de l'ex-président qui avait juré de mourir les armes à la main.


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En septembre 2012, une cour d'appel avait validé le rapport du juge Mario Carroza, accréditant lui aussi la théorie du suicide. Selon le rapport, Salvador Allende aurait utilisé un fusil automatique AK-47 qui lui avait été offert par Fidel Castro, au moment où le palais de La Moneda était en train d'être bombardé par l'armée.