mercredi 22 octobre 2008

SALVADOR ALLENDE, PRÉSENT !

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Salvador Allende avec Augusto Pinochet comme escorte
Cette expérience sans précédent trouve inévitablement un large écho aujourd’hui. Armando Uribe, président du Parti socialiste chilien en France, analyse : « Le peuple chilien s’est constitué peu de fois au Chili. Il est apparu en 1890 lors de mouvements sociaux, puis s’est reconstitué à la fin des années 1970. Grâce à Allende, dont les campagnes politiques étaient réellement populaires. On lui doit l’alliance avec le Parti communiste chilien. D’ailleurs, la violence du coup d’État s’explique par la nécessité urgente d’écraser cette nation en éveil. Pinochet a anéanti ce maillage extraordinaire». L’unité populaire représente bel et bien un exemple, « une expérience à prendre en compte, précise Fernando Valenzuela, représentant du Parti communiste chilien en France. Nous avons besoin de nouvelles formes de participation ».

À certains égards, la nationalisation des ressources naturelles en Bolivie par le président Evo Morales a un air de famille avec le programme d’Allende. Luzmila Carpio, ambassadrice de Bolivie en France, le dit très clairement : « Salvador Allende représentait une gauche propre, qui ne transigeait pas. Il a emprunté le chemin de la démocratie et de l’autonomie. Dans mon pays, aujourd’hui, la droite refuse de partager les richesses, la terre, le gaz, l’eau. Ils se présentent comme des démocrates. En fait, ils sont armés. Certains frères chiliens me disent : "J’espère qu’Evo ne va pas finir comme Allende". Je leur réponds qu’il n’est pas seul et que le peuple est avec lui. Un peuple prêt à donner sa vie pour ses ressources naturelles. » Très contemporain encore, le président socialiste - Allende dans l’intervention d’Alexis Corbière, premier adjoint à la maire du 12e et représentant Jean-Luc Mélenchon. 

Pour lui, il paraît impossible de ne pas faire le lien entre la crise traversée par la gauche française et l’unité populaire. Et impossible de ne pas tirer les enseignements de cette expérience politique inédite : « Allende avait placé au coeur de son programme la question sociale avec la retraite à 60 ans, la sécurité sociale pour tous et l’augmentation des salaires ». Antoine Blanca, ancien ambassadeur de France au Chili, a également regretté que les partis de gauche ne s’inspirent guère des choix politiques de certains pays latino-américains, interrogeant lucide : «Faut-il attendre qu’il y ait des assassinats de démocratie pour réagir ? ».

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L'humanité du Mardi 21 Octobre 2008, page 15

Lors de cette soirée hommage, le souvenir ému d’Allende et son actualité ont donné lieu à de belles évocations. Ainsi Jack Ralite et Antoine Blanca ont-ils ravivé le souvenir de grands démocrates proches du président socialiste, tels le poète et diplomate Pablo Neruda, « dont la mort fut le symbole de la fin de l’Unité populaire », ou encore les musiciens Victor Jarra ou Sergio Ortega, auteur du fameux : « El Pueblo Unido Jamás Será Vencido ». Et Jack Ralite de conclure en rappelant que « nous avons un héritage à défendre, mais nous devons aussi nous en défendre, sinon nous serions inaccomplis. René Char disait : " L’inaccompli bourdonne d’essentiel ". Alors, accomplissons-nous tous ensemble ».

Ixchel Delaporte

mardi 21 octobre 2008

Hommage à Salvador Allende par Jacques Fath

Cette rencontre n’est pas la première que nous organisons avec nos amis du Parti communiste chilien. Vous vous souvenez sans doute de la commémoration des trente ans du coup d’Etat qui a eu lieu ici même. Vous vous souvenez de l’hommage à Pablo Neruda et de la soirée pour notre chère Gladys Marin.

Aujourd’hui, nous souhaitons, avec nos camarades chiliens, nous joindre, tout naturellement, aux hommages qui s'organisent en France en cette année du centenaire de la naissance du Président Salvador Allende.

Je voudrais en quelques mots évoquer l'homme politique que Volodia Teitelboim nous décrit avec admiration: un Allende aussi grand mort que vivant. Il a raison ! La force de ce révolutionnaire n'est pas seulement le fruit de son sacrifice au palais de la Moneda, en défendant la démocratie chilienne. Allende occupe une place particulière dans le siècle dernier. Il fut un acteur politique majeur dans l'histoire tragique et dans tous les justes combats qui ont marqué ce siècle.

Le gouvernement de l'Unité Populaire ne s'est pas fait en un jour. Il est d'abord le résultat de longues années de lutte, de construction patiente d’un rassemblement de l’ensemble de la gauche politique chilienne et du mouvement social. Un rassemblement qui a réussi à arracher la direction du pays à la droite, après quatre tentatives.

Après avoir été élu à la présidence, Allende a considéré qu'il fallait prendre le pouvoir ou, plutôt, installer un pouvoir réellement populaire.

En commun accord avec la CUT, son gouvernement a adopté les mesures qui ont permis aux travailleurs de participer à la direction des entreprises publiques et mixtes, aux organismes qui décidaient des politiques salariales. Les organisations sociales et les institutions existantes ont été fusionnées, avec les mécanismes de participation créés par la population, pour créer les nouvelles institutions.

La participation des travailleurs à la direction des entreprises, les nationalisations, la réforme agraire... Tout cela a fait partie d'une stratégie de prise du pouvoir et d'affirmation de l'indépendance du pays. Ces politiques et l'objectif d'une démocratie économique et de la construction d'un grand système de protection sociale sont l'oeuvre de l'homme d'Etat et militant que nous honorons ce soir.

Aujourd'hui, nous regardons avec beaucoup d'espoir les expériences progressistes en cours en Amérique latine. Ces peuples, dignes héritiers des idées défendues par Salvador Allende, ont su construire dans les luttes des rassemblements larges, penser une alternative et leur donner une réalité en élisant des gouvernements qui se revendiquent de la révolution, du socialisme, de la démocratie avancée, chacun selon son histoire et chacun, naturellement, en fonction du rapport des forces qui a pu se construire.

La nationalisation des ressources naturelles, la mise en place de politiques sociales qui commencent à donner des résultats, l'objectif d'une « qualité » nouvelle à la démocratie par la participation populaire, la défense de l'indépendance face aux transnationales et face aux grandes puissances, la mobilisation en faveur d'une unité régionale fondée sur des coopérations... sont les politiques pour lesquelles Salvador Allende s'est effectivement battu hier. Elles sont celles que la gauche latino-américaine porte aujourd'hui.

Comme hier, la confrontation avec les classes dominantes est d'une extrême dureté et l'ingérence des Etats-Unis se fait de plus en plus agressive.

Mais le rapport des forces a changé et les Etats-Unis sont sur la défensive. Une majorité des peuples latino-américains a élu des gouvernements opposés aux logiques du Consensus de Washington et rejette les politiques bellicistes de l'administration Bush.

Les succès récents montrent que l'impérialisme n'a plus la capacité d'imposer sa loi comme il l'a fait à l'époque du gouvernement de l'Unité Populaire.

Cette gauche latino-américaine est diverse et les stratégies de développement qu'elle adopte ont des portées différentes.

La volonté d'émancipation humaine et la recherche de voies nouvelles pour la transformation sociale, qui s'inscrivent dans les valeurs d'Allende, ne sont pas mortes avec les dictatures et la répression. Elles sont vivantes et en plein essor parce qu'elles correspondent aux aspirations profondes des peuples latino-américains.

Au Venezuela, la nationalisation du pétrole et d'autres secteurs de l'économie, la démocratie participative, la réforme agraire et la politique d'intégration sont au coeur de la révolution bolivarienne. Le Venezuela d'aujourd'hui joue un rôle de grande importance sur le plan international et développe une politique de coopération Sud–Sud active dans des domaines tels que l'énergie, les infrastructures, la Banque du Sud et bien d'autres.

L'opposition, avec le soutien des Etats-Unis et d'une partie de la droite européenne, a tenté de faire tomber le gouvernement du Président Hugo Chavez, en organisant un coup d'Etat qui n'a finalement duré que quelques heures. C'est la mobilisation populaire qui l'a mis en échec.

Au mois de novembre prochain, des élections régionales ont lieu dans tout le pays. Nous souhaitons beaucoup de succès aux forces révolutionnaires venezuelienes à qui nous renouvelons notre solidarité et notre sympathie.

Je suis heureux de saluer Frederico Ruiz, conseiller politique de l'Ambassade du Venezuela.

Depuis son élection à la présidence, Evo Morales fait face à une droite qui tente, avec le soutien actif des Etats-Unis, de bloquer l'adoption de la nouvelle Constitution et d'empêcher la mise en oeuvre des politiques voulues par les Boliviens. Le président Morales a pris la décision d'expulser l'ambassadeur des Etats-Unis alors que la droite lançait une offensive avec l'objectif de déstabiliser le gouvernement démocratique.

L'ensemble des pays membres de l'Union des Nations de l'Amérique du Sud (Unasur) a déclaré son soutien au gouvernement démocratique d'Evo Morales et a condamné toute tentative de coup d'Etat ainsi que l'objectif d'imposer à la Bolivie la sécession d'une partie de son territoire. Cette position a été prise malgré le soutien apporté par les Etats-Unis à l'opposition. On peut dire qu'elle a été prise contre eux.

Depuis lundi, des milliers de paysans, indigènes, syndicalistes et des représentants d'organisations sociales ont entamé une marche de 200 kilomètres pour se rendre à La Paz où ils exprimeront leur exigence de voir la nouvelle Constitution adoptée. Madame l'Ambassadrice, Madame Luzmila Carpio, permettez moi de vous dire que nous sommes à vos côtés. Et nous réaffirmons notre soutien aux légitimes exigences du peuple bolivien.

Il y a quelques mois, les pays latino-américains se sont fermement opposés à la tentative du gouvernement colombien, fidel allié de Washington, d'importer la guerre préventive sur le continent américain.

Cette situation nouvelle a aussi permis de desserrer l'étau du blocus américain contre la révolution cubaine. Depuis l'arrivée au gouvernement des forces de gauche, un grand nombre de projets de coopération ont été signés avec Cuba.

Les accords passés entre les pays membres de l'Alternative Bolivarienne des Amériques, Cuba, Bolivie, Venezuela, Nicaragua, Honduras ont permis des coopérations stratégiques qui concernent l'énergie, la santé, l'éducation, la culture.

C'est dans ce contexte nouveau que Cuba met en route des politiques qui lui permettront d'avancer des solutions nouvelles débattues par la population. La situation qui s'est créée avec le passage des deux cyclones rendra sans doute les choses difficiles mais elles seront bien moins difficiles que dans d'autres pays des Caraïbes grâce au niveau de développement social existant.

Je voudrais dire à notre ami Leyde Rodriguez qui représente ici l'ambassadeur de Cuba en France toute notre solidarité avec le peuple de Cuba qui défend ses aspirations révolutionnaires, sa souveraineté, son libre choix, son refus d'un blocus dont il faut exiger la levée immédiate et sans condition.

Quelques mots, enfin, à propos des élections municipales chiliennes qui auront lieu le 26 octobre prochain et des élections présidentielles qui se tiendront au Chili en décembre 2009.

Ces élections vont encore se faire dans le cadre d'un système électoral qui reste le même depuis 18 ans. Ce système dit binominal est injuste. Il empêche la représentation équitable de forces politiques ayant pourtant un soutien populaire, c'est le cas du Parti communiste chilien.

Comme notre ami Guillermo Teiller, président du PCC, l'a rappelé, le programme original de la Concertation des partis qui a mis Pinochet en déroute avait promis une réforme électorale permettant la mise en place d'un système pluraliste, démocratique, à la proportionnelle. C'est exactement ce système que nous demandons pour la France.

Votre revendication s'appuie -comme la nôtre- sur l'exigence de l'égalité de tous les citoyens devant la loi. Une telle réforme démocratique ne peut que renforcer la gauche et une dynamique unitaire de gauche dans son ensemble.

Nous espérons, chers camarades, que les prochaines échéances électorales permettront au Chili le renforcement des idées les plus progressistes, parce qu'il faut encore, aujourd'hui, affronter les forces héritières du Pinochetisme.

Chers amis, chers camarades, je suis heureux de pouvoir vous accueillir ici dans cette maison construite par notre camarade Oscar Niemeyer.

Je veux pour finir rappeler notre attachement à cette page de l'histoire que représente les luttes de l'Unité Populaire. Cet attachement est né de la solidarité avec le peuple chilien avant, pendant et après ces mille jours de gouvernement Allende qui ont marqué profondément l'histoire des luttes pour l'émancipation humaine, luttes qui sont les vôtres et les nôtres en ce 21ème siècle de crise mais aussi d'espoirs. « L'histoire c'est nous, c'est le peuple qui la fait » disait Salvador Allende. Faisons-là ensemble.

Allende 100 chez les "cocos" à Paris


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Photo Henri Munoz-Horeau

C’est dans les magnifiques locaux imaginés et conçus par le célèbre architecte Oscar Niemeyer qu’a été reçu le public de la soirée. L’assistance était d’ailleurs très hétérogène, on y a vu autant de Chiliens que de sympathisants français de la cause chilienne, de jeunes étudiants, des personnalités politiques et associatives.

On a pu profiter des interventions de plusieurs invités lors de la Table Ronde « Allende et sa projection politique dans le contexte latino-américain actuel ». Madame Luzmila Carpio, Ambassadrice de Bolivie en France, a enchanté le public avec son témoignage. L’intervention de Monsieur Antoine Blanca, ancien Diplomate, historien, écrivain, dirigeant du Parti socialiste français, et grand connaisseur de l’Amérique latine et du Chili, a captivé et a su éveiller la complicité du public. Etaient également présents Monsieur Jaques Ralite, sénateur de la Seine-Saint-Denis, et Monsieur René Piquet, ancien député européen, ancien vice-président Gauche unitaire européenne - Gauche verte nordique. Monsieur Armando Uribe, Président du Parti socialiste chilien en France, Monsieur Leyde Rodrίguez, conseiller politique de l’ambassade de Cuba en France, et Monsieur Alexis Corbière, représentant de l’association Pour la République Sociale, sont aussi intervenus dans le débat.

La soirée culturelle a offert au public un spectacle de qualité avec des groupes de musique chilienne « Sin Fronteras » et « Libercanto », des lectures de textes par les comédiens Michael Batz, directeur artistique du Festival Allende, Quentin Bouissou et Adrien Le Ray.

La bonne humeur et le partage étaient au rendez-vous en dernière partie de soirée, où les organisateurs ont offert un vin d’honneur, accompagné de spécialités chiliennes, les « empanadas ». Les discussions sont allées bon train jusqu’à une heure avancée de la nuit. Il y a longtemps que nous n’avions pas passé une aussi bonne soirée !

Salomé Cohen–Pères

REMERCIEMENTS AUX PARTICIPANTS À LA «SOIRÉE POLITIQUE ET CULTURELLE D’HOMMAGE À SALVADOR ALLENDE»


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Photo H Munoz-Horeau
Merci au Parti communiste français qui nous a facilité ses magnifiques locaux, ce qui a donné un éclat particulier à cet événement.

Merci à Jacques Fath, interlocuteur efficace et à l’écoute tout au long de ce projet.

Jacques, félicitations pour le travail que tu as effectué pour cette activité. C’était décidément une belle réussite. Merci pour ton l’allocution de bienvenue et pour ton intervention politique.

Transmets tous nos remerciements à la camarade Marie-George Buffet, pour le message de soutien qu’elle nous a fait parvenir par ton intermédiaire.

Merci a Guillermo Tellier, Président du Parti communiste chilien, pour son message de soutien et son encouragement.

Merci à Obey Ament d’avoir cru, dès le départ, à ce concept de soirée politique et culturelle autour d’Allende.

Obey, merci pour ta réactivité, ta jovialité et ton enthousiasme. Bravo pour ta recherche d’invités! Nous apprécions beaucoup ta vision d’activité politique liée à la culture et au partage, ouverte à un large public. Merci pour ton rôle d’ Arthur (modérateur animateur de la Table Tonde).

J’espère que nous aurons l’occasion de continuer à travailler ensemble dans le cadre d’autres activités politique solidaires.

Merci à Gérard Fournier pour avoir facilité l’implémentation de la logistique ainsi que la diffusion en interne au siège.

Gérard, félicitations pour ton travail ainsi que celui de ta collaboratrice Lila Larini et de tout le personnel des Services Généraux qui ont rendu possible l’activité. L’exposition, la Table ronde, le spectacle artistique culturel, la librairie éphémère Salvador Allende, et également le vin d’honneur doivent beaucoup à ton application. Merci également aux camarades de l’informatique qui ont permis les projections des diaporamas et la connectique WIFI pour le travail de préparation.

Merci au Trio « Sin Fronteras » pour leur prestation festive et colorée.

Polo, bonne chance dans la suite de votre parcours ! En tout cas, d’après la qualité de ton investissement, vous avez tout pour aller loin !

Merci à nos amis de « Libercanto » pour leur prestation solidaire et militante.

Rodolfo, transmets nos remerciements à chacun des membres du groupe - anciens et nouveaux Quilapayún des chants libres - pour votre long et renouvelé engagement et pour l’incroyable énergie que vous nous transmettez encore aujourd’hui.

Merci à Michael Batz, directeur artistique du festival, toujours prêt à s’engager et à donner de son temps quand il s’agit de la cause chilienne. Michael, merci pour ta participation et ton improvisation…

Aux lecteurs Quentin Bouissou et Adrien Le Ray, merci de nous avoir fait revivre, à travers vos voix, ces moments pleins d’émotion. Un chaleureux merci pour votre solidarité avec la cause chilienne.

Merci à Henri Muñoz-Horeau, pour le prêt de son tableau portrait de Salvador Allende et pour la gentillesse de nous avoir accompagné tout au long de la soirée.

Merci à Hernán L Toro pour son ancienne et fidèle collaboration.

Hernán, tes créations plastiques de la bannière du Blog « Allende 100 » et de l’affiche qui nous a servi d’identité graphique du projet, sont, comme toujours, de grande qualité.

Merci à l’Association des anciens prisonniers politiques chiliens en France pour nous avoir facilité leur exposition « Plus que jamais Salvador Allende ».

Merci au compañeros du Parti socialiste chilien en France de nous avoir facilité la magnifique photo qui a orné la salle de la Table ronde.

Merci à Léo Pardo pour sa collaboration permanente à la correction et la rédaction du Blog « Allende 100 », ainsi que pour son travail dans le dossier de presse «Siglo XXI », mis en ligne sur le blog Siglo XXI.

Merci à Nadine Briatte, pour ses idées, ses traductions et sa fidèle amitié, ce qui fait d’elle une des plus chiliennes des françaises de notre entourage.

Un grand merci à Nanette Liberona et à Aurelia Stammbach pour leur aide spontanée dans l’enregistrement vidéo de l’activité. Aurelia, Nanette, c’est grâce à vous que nous nous souviendrons en images de cette soirée.

Merci à Olivier Duhamel, ancien député socialiste européen, Professeur à Sciences Po, amis très chers des chiliens, pour son message de soutien.

Merci aux invités intervenants de la Table ronde « Allende et sa projection politique dans contexte latino-américain l'actuel» :

Merci à Madame Luzmila Carpio, Ambassadrice de Bolivie en France, qui nous a honorés de sa présence.

Merci au camarade Jaques Ralite, sénateur de la Seine-Saint-Denis.

Merci à Armando Uribe, Président du Parti socialiste chilien en France.

Merci à René Piquet, ancien député européen, ancien vice-président Gauche unitaire européenne - Gauche verte nordique.

Merci à Antoine Blanca, ancien Diplomate, historien, écrivain, dirigeant du Parti socialiste français, et grand connaisseur de l’Amérique latine et du Chili.

Merci à Monsieur Leyde Rodrίguez, conseiller politique de l’ambassade de Cuba en France.

Merci à Alexis Corbière, représentant de l’association Pour la République Sociale.

Merci à Fernando Valenzuela responsable du Parti communiste chilien en France.

Un grand merci à la jeune génération de franco-chiliens qui nous ont aidé à l’organisation et à la préparation de cette activité. Merci aussi pour leur temps donné et leur compréhension de nos vieux engagements.

Enfin un grand merci aux compañeros militants du Parti communiste chilien en France pour leur dévouement, leur travail militant. Leur diligence nous a permis de trouver le financement, la préparation et l’implémentation des empanadas, que nous avons dégusté avec fruition. Merci pour votre fidélité, votre endurance et votre amitié.

samedi 11 octobre 2008

Allende Hoy

mardi 1 juillet 2008

Intervention de Jacques Fath



Intervention de Jacques Fath Responsable des Relations internationales du PCF, Membre du Comité exécutif, 26 juin 2008


Mesdames, Messieurs, chers amis,

Ce centenaire est d'une grande importance pour vous, progressistes chiliens, car il s'agit d'une page d'espoir mais aussi d'une page tragique de votre histoire. Une page pleine d'émotion mais aussi d'enseignements.

C'est important pour vous et pour nous à la fois car c'est un grand moment de solidarité fraternelle et humaine. Nous nous souvenons.. .Je n'en dis pas plus.

Enfin, c'est quelque chose d'important car l' expérience Allende c'est celle d'une révolution démocratique et ce besoin de révolution démocratique dans l'unité des forces de gauche nous le ressentons profondément dans la France d'aujourd'hui. Ce n'est évidemment pas que le besoin du seul peuple français...

En préparant cette intervention, je me suis plongé dans les premiers discours de Salvador Allende et j’ai pu constater à quel point sa conception de l’action politique et de la transformation sociale restent à l’ordre du jour. Elle est d’une grande actualité dans nos réflexions sur le projet politique de la gauche et elle l’est aussi, d’une manière très concrète, dans l’action des gouvernements progressistes de l’Amérique Latine.

Ces expériences en cours nous intéressent pour plusieurs raisons : parce qu’elles sont en train de changer les rapports de forces politiques dans cette région et dans le monde mais aussi parce qu’elles nous montrent que des alternatives pour contrer le système capitaliste et ses modes de gestion sont possibles. Nous avons besoin de faire grandir cet espoir en France et en Europe.

Trente-cinq ans après le coup d’Etat qui a mis fin à cette révolution démocratique que fut le gouvernement populaire, nous constatons ces avancées des forces progressistes dans toute l’Amérique Latine. Les gouvernements élus depuis une dizaine d’années sont en train de faire revivre les projets d’indépendance, de démocratie, de progrès social et d’unité qui furent ceux de Salvador Allende.

Je suis ici pour vous exprimer notre intérêt pour toutes ces expériences en cours en Amérique Latine et notre solidarité avec elles. Je suis ici aussi, naturellement, pour rendre hommage à celui qui a rassemblé les forces populaires de son pays pour tenter un changement révolutionnaire par la voie démocratique. Il a fallu la violence d’un coup d’Etat orchestré par les Etats-Unis et un groupe d’officiers félons pour l’arrêter. Ce coup d'Etat criminel a ouvert la voie en Amérique Latine à la mise en place d’une contre révolution qui a touché tout le Cône Sud et qui a décimé les forces progressistes.

Ché Guevara lui avait fait cadeau de son livre «La guerre des guérillas» avec une dédicace : «A Allende qui, par d’autres moyens, essaye d’arriver au même but».

Pour Allende, la démocratie et le socialisme étaient inséparables : la démocratie à la fois comme moyen et comme but ultime. Dépasser l’ordre existant sans avoir recours à la violence en avançant, avec la volonté du peuple, au fur et mesure que le niveau de mobilisation et de conscience le permettait.

Le socialisme d’Allende n’est pas celui d’un parti guide. Il est commandé par la volonté souveraine du peuple.

Le Chili de l’Unité Populaire fut marqué par le respect et l’extension des droits des travailleurs, leur participation à la définition des politiques économiques à tous les niveaux, dans les organismes d’Etat et dans les conseils d’entreprise et dans les comités de production.

Il appelait les travailleurs à s’investir dans l’effort productif pour renfoncer l’économie et pour assurer au peuple chilien un avenir sans inégalités ni pauvreté.

Nous pouvons voir aujourd’hui comment cette démarche qui fut la sienne est reprise dans les changements en cours en Amérique Latine, où l’adoption des nouvelles Constitutions fait partie de la bataille pour le changement. La démocratie participative est expérimentée au Brésil et au Venezuela. Elle est au centre du débat politique en Bolivie et en Equateur.

Allende ne se voulait ni caullido, ni messie. Il se considérait comme «un militant du socialisme qui a compris que la possibilité pour le peuple de triompher résidait dans l’unité».

Je ne suis pas le président de tous les Chiliens disait–t-il, parce que «je ne suis pas le président des trafiquants, des spéculateurs, des mercenaires ou des assassins».

Il n’a pas voulu être l'homme providentiel mais le Président de l’Unité Populaire ayant la conscience des antagonismes et de l’inéluctable affrontement avec les intérêts puissants, des classes dominantes, et avec l’impérialisme.

La voie démocratique signifiait alors non pas le simple succès électoral mais la vision d’un «long et dur chemin» qui devait conduire à l’émancipation. Une voie au socialisme «par la démocratie, le pluralisme et la liberté».

Contrairement à cette vision qui fait qu’une certaine gauche, un peu partout dans le monde, préfère l’alternance à une véritable alternative au capitalisme et accepte de jouer le rôle du «bon gestionnaire», Salvador Allende a fait le choix de ne pas s’installer confortablement dans les institutions existantes.

Pour lui, qui a dû commencer son mandat sans majorité parlementaire, «s’adapter à la réalité concrète» ne signifiait pas renoncer aux buts révolutionnaires du mouvement populaire chilien, c'est-à-dire la fin de l’oppression et la mise en question des relations sociales fondées sur l’exploitation.

L’Etat devait être efficace, moderne mais il devait aussi être transformé en un Etat révolutionnaire et juste.

Dépasser l’ordre existant exigeait des changements substantiels du pouvoir politique et économique en s’appuyant sur les mécanismes institutionnels en vigueur pour construire une nouvelle légalité et l’embryon d'instititutions futures au service des intérêts populaires.

La justice sociale s’est traduite par une sécurité sociale pour tous les chiliens, l’accès au logement décent, la lutte contre l’extension des bidonvilles et un effort en faveur de l’amélioration de la situation de l’emploi.

La dictature a détruit toutes ces conquêtes et, nos amis progressistes chiliens pourront le confirmer, aujourd’hui encore le Chili est très loin du niveau de protection sociale de cette époque. Les droits syndicaux, le droit aux conventions collectives sont toujours au cœur des luttes des travailleurs.

Concernant la démocratie je voudrais dire ceci : le Chili d’aujourd’hui, son parlement, pourraient rendre hommage au président Salvador Allende en reconnaissant la nécessité de la justice pour le peuple Mapuche, en lui rendant ses droits en tant que peuple originaire. Vous connaissez sa vision du problème : il considérait que les lois chiliennes les traitaient «comme des enfants» et il pensait que la réforme agraire, le droit à la terre ne pouvaient régler, seuls, un problème qui a des implications culturelles, historiques et anthropologiques.

Sur cette question de la démocratie, je pense à l’attachement de Salvador Allende au pluralisme et au multipartisme. Je voudrais évoquer la nécessité de mettre fin au système électoral binominal hérité du pinochetisme qui exclut toute possibilité d’une représentation respectueuse du pluralisme et qui exclut de manière injuste les communistes chiliens de la représentation parlementaire.

En Uruguay, en Equateur et au Venezuela ces droits sont à nouveau des conquêtes populaires rendues possibles avec les nouveaux gouvernements. Au Brésil, où le président Lula ne bénéficie pas d’une majorité parlementaire, ces droits restent une des principales revendications de la Centrale Unitaire des Travailleurs.

Salvador Allende a rendu au peuple chilien la maîtrise sociale des ressources naturelles. Le cuivre a été nationalisé, ainsi que la production de l’acier, du charbon. La production des textiles et les télécommunications ont aussi été nationalisés. Ces mesures qui devaient permettre au Chili de se donner les moyens du développement économique et social exigé par la population ont été un coup dur pour les transnationales des Etats-Unis et pour les classes dominantes chiliennes. Nous retrouvons ce même courage, montré par le gouvernement de l’Unité Populaire, dans la volonté politique des gouvernements de Hugo Chavez, d’Evo Morales, de Raphaël Correa.

La fin de la dépendance était quelque chose de central dans le projet d’Allende. Mettre fin à cette forme de domination passait par l’affirmation des valeurs et de l’unité des peuples latino-américains, par la revendication de l’autodétermination et de la non–ingérence, l’élargissement et la complémentarité des marchés.

Aujourd’hui, les pays de l’Amérique du Sud font avancer une intégration régionale fondée sur des projets de développement, sur la prise en compte des asymétries, la coopération dans le domaine de l’énergie et des infrastructures. La Banque du Sud a été créée ouvrant la possibilité d’une coopération financière qui favorisera l’émancipation vis-à-vis du FMI et de la Banque Mondiale.

Les pays du Mercosur ainsi que la Bolivie et l’Equateur rejettent les conditions avancées par l’Union Européenne pour la signature d’accords d’association peu différents des traités de libre échange proposés par les Etats-Unis. Sur ce terrain aussi, les conceptions défendues par Salvador Allende restent encore vivantes.

En assassinant Salvador Allende et en noyant dans le sang l’expérience de l’Unité populaire, la dictature pinochetiste et les Etats-Unis ont cru pouvoir mettre fin aux aspirations des peuples à un changement de société. Ils ont réussi au Chili et dans toute l’Amérique Latine à mettre en place des contre réformes, à imposer le modèle néolibéral. Ils ont cru que les peuples avaient accepté l’idée de l’impossibilité d’autres voies que le capitalisme sauvage.

Le retour en force des forces progressistes, le rejet par les peuples des politiques dites du Consensus de Washington est aujourd’hui en train de changer le visage de tout un continent.

L'immense espoir qui naît dans cette région du monde est partagé par les progressistes du monde entier. La convergence de nos luttes, la recherche partagée de nouvelles propositions pour des nouvelles alternatives au capitalisme, la création d’espaces de rencontre ouverts à toutes les forces progressistes sont à l’ordre du jour. Il s’agit d’une exigence pour nous tous qui voulons une autre société, conquérir des droits nouveaux, inventer des formes de démocratie inédites tant au plan national qu’au plan européen ou mondial.

Salvador Allende a été un homme qui a su voir la possibilité réelle d’un changement révolutionnaire par la démocratie et la liberté. Il fut un homme de son temps, capable d’inventer et de rendre possible une idée nouvelle.

Je parlais du retour des idées de progrès que Salvador Allende a défendu, de la manière dont elles se concrétisent à nouveau. Et je pense à une de ses dernières phrases prononcées pendant l’attaque des putchistes contre le Palais présidentiel : «Allez de l'avant sachant que bientôt s'ouvriront de grandes avenues où passera l'homme libre pour construire une société meilleure.»

Oui, les grandes avenues sont à nouveau ouvertes. Des hommes et femmes sont partout en quête de liberté et d’émancipation.



lundi 30 juin 2008

Salvador Allende, RÉFLEXIONS DE FIDEL CASTRO



Salvador Allende, un exemple qui restera

Il était né voilà cent ans à Valparaiso, au sud du Chili, le 26 juin 1908. Son père, de la classe moyenne, avocat et notaire, militait au Parti radical. A ma naissance, Allende avait dix-huit ans. Il faisait des études secondaires dans un lycée de sa ville natale.

Quand il faisait le deuxième cycle du second degré, un vieil anarchiste italien, Juan Demarchi, le mit en contact avec les ouvrages de Marx.

Il conclut de brillantes études secondaires. Il aime le sport et en fait. Il fait volontairement son service militaire au régiment des cuirassiers de Viña del Mar. Il demande à être muté au régiment des lanciers de Tacna, une enclave chilienne dans le Nord sec et semi désertique qui sera rendu plus tard au Pérou. Il termine son service militaire comme officier de réserve de l’armée. C’est déjà quelqu’un aux idées socialistes et marxistes. Non un mollasson sans caractère. C’est comme s’il devinait déjà qu’il combattrait un jour jusqu'à la mort pour défendre les convictions qui commençaient à germer dans son esprit.

Il décide de faire des études de médecine à l’Université du Chili. Il organise un groupe de compagnons qui se réunit périodiquement pour lire des ouvrages marxistes et en discuter. Il fonde le groupe Avance en 1929. Il est élu vice-président de la Fédération des étudiants chiliens en 1930 et participe activement à la lutte contre la dictature de Carlos Ibánez.

A cette époque, la grande dépression économique frappait les Etats-Unis après le krach de la bourse des valeurs en 1929 ; Cuba commençait à lutter contre la tyrannie de Machado et Mella avait été assassiné. Les ouvriers et les étudiants cubains faisaient face à la répression. Les communistes, Martínez Villena à leur tête, déclenchaient la grève générale. « Il faut charger pour tuer les scélérats, pour conclure l’œuvre des révolutions… », avait-il écrit dans un vibrant poème. Guiteras, aux profondes pensées anti-impérialistes, tentait de renverser la tyrannie par les armes. Machado est balayé, incapable de résister à la poussée de la nation, et une révolution éclate que les Etats-Unis écrasent en quelques mois par une main de fer et des gants de velours, établissant leur mainmise absolue sur notre pays jusqu’en 1959.

Durant cette période, Salvador Allende, dans un pays où la domination impérialiste s’exerce brutalement sur ses travailleurs, sur sa culture et sur ses richesses naturelles, se bat sans trêve, en révolutionnaire conséquent.

Il conclut ses études de médecine en 1933. Il participe à la fondation du Parti socialiste chilien. En 1935, il dirige déjà l’Association médicale chilienne. Il est emprisonné pendant presque six mois. Il pousse à la création du Front populaire, et il est élu sous-secrétaire général du Parti socialiste en 1936.

En septembre 1939, il devient ministre de la Santé dans le gouvernement du Front populaire. Il publie un ouvrage consacré à la médecine sociale. Il organise la première Exposition du logement. Il participe en 1941 à la réunion annuelle de l’Association médicale américaine aux Etats-Unis. En 1942, il est élu secrétaire général du Parti socialiste. En 1947, il vote au Sénat contre la loi de défense permanente de la démocratie, connue comme la « Loi maudite » par sa nature répressive. En 1949, il est élu président du Collège des médecins.

En 1952, le Front du peuple le postule à la présidence de la République. Il est battu. Il a alors quarante-quatre ans. Il présente au Sénat un projet de loi portant nationalisation du cuivre. En 1954, il se rend en France, en Italie, en Union soviétique et en République populaire de Chine.

Quatre ans après, en 1958, il est déclaré candidat à la présidence par le Front d’action populaire, formé de l’Union socialiste populaire, du Parti socialiste et du Parti communiste. Il perd les élections face au conservateur Jorge Alessandri.

En 1959, il assiste à l’investiture comme président du Venezuela de Rómulo Betancourt, considéré alors une figure révolutionnaire de gauche.

Cette même année, il vient à La Havane et s’entretient avec le Che et moi-même. En 1960, il soutient les mineurs du charbon qui font grève pendant trois mois.

En 1961, à la réunion de l’Organisation des Etats américains (OEA) qui se tient à Punta del Este (Uruguay), il dénonce aux côtés du Che la nature démagogique de l’Alliance pour le progrès.

En 1964, nommé de nouveau candidat à la présidence, il est battu par Eduardo Frei Montalva, un démocrate-chrétien qui a bénéficié de toutes les ressources des classes dominantes et qui, selon des documents déclassés du Sénat étasunien, a reçu de l’argent de la CIA pour sa campagne électorale. Sous son gouvernement, l’impérialisme tente de mettre en place ce qu’il appelle la « Révolution dans la liberté », réponse idéologique à la Révolution cubaine, engendrant en fait les fondements de la tyrannie fasciste. Allende obtient toutefois à ces élections plus d’un million de voix.

En 1966, il conduit la délégation qui assiste à la Conférence tricontinentale de La Havane. En 1967, il se rend en Union soviétique pour le cinquantième anniversaire de la Révolution d’Octobre. En 1968, il visite la République populaire et démocratique de Corée, la République démocratique du Vietnam où il a la satisfaction de rencontrer l’extraordinaire dirigeant de ce pays, Ho Chi Minh, ainsi que le Cambodge et le Laos en pleine effervescence révolutionnaire.

Après la mort du Che en 1967, il avait accompagné personnellement à Tahiti les trois Cubains de la guérilla de Bolivie qui avaient pu réchapper et entrer au Chili.

Le 22 janvier 1970, l’Unité populaire, une coalition politique formée des communistes, des socialistes, des radicaux, du MAPU, du PADENA et d’Action populaire indépendante, l’investit comme candidat à la présidence. Il remporte les élections le 4 septembre.

Exemple vraiment classique d’une lutte pacifique pour instaurer le socialisme.

L’administration étasunienne, présidée par Richard Nixon, entre aussitôt en action après cette victoire électorale. Pour avoir refusé de se plier aux desiderata impérialistes – le coup d’Etat – le commandant en chef de l’armée chilienne, le général René Schneider, est victime d’un attentat le 22 octobre 1970 et meurt trois jours après. Mais cette tentative d’empêcher l’Unité populaire d’accéder à la présidence échoue.

Le 3 novembre 1970, Allende devient président du Chili en toute légalité et dignité. Débute alors la bataille héroïque de son gouvernement pour imposer des changements face au fascisme. Il a soixante-deux ans. J’ai l’honneur d’avoir partagé avec lui quatorze années de lutte anti-impérialiste à partir de la victoire de la Révolution cubaine.

L’Unité populaire obtient la majorité absolue (50,86 p. 100) aux élections municipales de mars 1971. Le 11 juillet, Allende promulgue la Loi portant nationalisation du cuivre, une idée qu’il avait proposée au Sénat dix-neuf ans auparavant. Personne n’ose s’y opposer, et le Congrès l’adopte à l’unanimité.

En 1972, devant l’Assemblée générale des Nations Unies, il dénonce l’agression étrangère dont est victime son pays. Les assistants, debout, l’ovationnent pendant plusieurs minutes. Cette même année, il se rend en Union soviétique, au Mexique, en Colombie et à Cuba.

En mars 1973, aux élections parlementaires, l’Unité populaire obtient 45 p. 100 des voix et renforce sa présence au Parlement. Les mesures promues par les Yankees aux deux chambres pour destituer le président se terminent sur un fiasco. L’impérialisme et la droite intensifient leur lutte sans quartier contre le gouvernement de l’Unité populaire et déclenchent le terrorisme dans le pays.

De 1971 à 1973, je lui ai écrit six lettres manuscrites confidentielles, en tout petits caractères et avec un stylo à plume fine, où j’ai abordé dans la plus grande discrétion des questions que je jugeais intéressantes. Je lui écrivais le 21 mai 1971 :

« Nous sommes émerveillés des efforts extraordinaires que tu consens et de l’énergie illimitée que tu déploies pour confirmer et consolider la victoire.

« On peut constater d’ici que le pouvoir populaire gagne du terrain malgré votre mission difficile et complexe.

« Les élections du 4 avril ont constitué une victoire splendide et encourageante.

« Ton courage et ta fermeté, ton énergie mentale et physique ont été essentiels pour mener la Révolution de l’avant.

« De grandes difficultés de toutes sortes vous attendent assurément et auxquelles vous devrez faire face dans des conditions qui ne sont pas précisément idéales, mais une politique juste, soutenue par les masses et appliquée avec décision, ne peut être battue. »

Le 11 septembre 1971, je lui avais écrit :

« Le porteur vient traiter avec toi des détails de la visite.

« Envisageant un vol direct éventuel de Cubana de Aviación, nous avons analysé au départ l’utilité d’atterrir à Arica et de commencer la visite par le Nord. Deux faits nouveaux sont alors apparus : l’intérêt dont Velazco Alvarado t’a fait part d’un contact éventuel durant mon voyage chez toi ; la possibilité de disposer d’un avion soviétique IL-62 à plus grande autonomie de vol qui permet, si l’on veut, de gagner directement Santiago du Chili.

« Je t’envoie un schéma de la tournée et des activités pour que tu ajoutes, supprimes ou introduises les modifications que tu jugeras pertinentes.

« Je me suis efforcé de penser uniquement à ce qui peut présenter un intérêt politique, sans beaucoup m’inquiéter du rythme ou de l’intensité du travail, mais tout dépend absolument de tes critères et appréciations.

« Nous nous sommes beaucoup réjoui des succès extraordinaires de ton voyage en Equateur, en Colombie et au Pérou. Quand aurons-nous à Cuba la possibilité de rivaliser avec les Equatoriens, les Colombiens et les Péruviens et de te t’entourer d’autant d’affection et de chaleur ?

Au cours de ce voyage, dont j’avais proposé le plan à Allende, j’ai échappé à la mort par miracle. J’y ai fait des dizaines de kilomètres devant des foules énormes situées de chaque côté de la route. La CIA étasunienne avait organisé trois attentats pour m’assassiner durant ce voyage. Lors d’une conférence de presse annoncée d’avance, l’une des caméras de télévision vénézuélienne était équipée d’armes automatiques et manœuvré par des mercenaires cubains entrés dans le pays avec des passeports vénézuéliens. Mais ils n’ont pas eu le courage d’appuyer sur la gâchette tout le temps qu’a duré la longue conférence de presse et que leur caméra me visait. Ils ne voulaient pas courir le risque de mourir. Ils m’avaient en plus poursuivi à travers tout le Chili, mais l’occasion de m’avoir si près et si vulnérable ne s’est jamais plus présentée. Je n’ai pu connaître les détails de cette action lâche que bien des années plus tard. Les services spéciaux des Etats-Unis étaient allés plus loin que ce que nous pouvions imaginer.

J’ai écrit à Salvador le 4 février 1972 :

« Tout le monde a accueilli ici la délégation militaire du mieux possible. Les Forces armées révolutionnaires leur ont consacré pratiquement tout leur temps. Les rencontres ont été amicales et humaines. Le programme, intense et varié. J’ai l’impression que ce voyage a été positif et utile, qu’il est possible de continuer ces échanges et que ça en vaut la peine.

« J’ai parlé avec Ariel de ton idée de voyage. Je comprends parfaitement que le travail intense et le ton du combat politique de ces dernières semaines ne t’ont pas permis de l’envisager à la date approximative que nous avions évoquée là-bas. Il est incontestable que nous n’avions pas pris en considération ces éventualités. Ce jour-là, à la veille de mon retour, alors que nous dînions en pleine nuit chez toi et que j’ai constaté que le temps nous manquait et que les heures défilaient, je me suis rassuré en pensant que nous retrouverions à relativement brève échéance à Cuba où nous aurions la possibilité de converser longuement. J’espère toutefois que tu pourras envisager ta visite avant mai. Je signale ce mois-là, parce qu’au plus tard à la mi-mai, je dois me rendre, toutes affaires cessantes, en Algérie, en Guinée, en Bulgarie, dans d’autres pays et en URSS. Ce long voyage me prendra un temps considérable.

« Je te remercie beaucoup des impressions dont tu me fais part sur la situation. Ici, nous sommes tous toujours plus familiarisés avec le processus chilien, intéressés et émus ; nous suivons avec beaucoup d’attention les nouvelles qui en proviennent. Nous pouvons mieux comprendre maintenant la chaleur et la passion que la Révolution cubaine a dû susciter dans les premiers temps. On pourrait dire que nous vivons notre propre expérience à l’inverse.

« Je peux apprécier dans ta lettre le magnifique état d’esprit, la sérénité et le courage avec lesquels tu es disposé à faire face aux difficultés. Et c’est fondamental dans toute Révolution, surtout quand elle se déroule dans les conditions extrêmement complexes et difficiles du Chili. Je suis rentré extraordinairement impressionné par les qualités morales, culturelles et humaines du peuple chilien et par son notable vocation patriotique et révolutionnaire. Il t’est échu le privilège singulier d’être son guide à ce moment décisif de l’histoire du Chili et de l’Amérique, en tant que couronnement de toute une vie de lutte, comme tu l’as dit au stade, consacrée à la cause de la révolution et du socialisme. Aucun obstacle n’est invincible. Quelqu’un a dit que dans une révolution, il faut avoir de l’audace, encore de l’audace et toujours de l’audace. Je suis convaincu de la profonde vérité de cette maxime. »

J’ai écrit de nouveau au président Allende le 6 septembre 1972 :

« Je t’ai adressé un message sur différentes questions à travers Beatriz. Après son départ, et à l’occasion des nouvelles de la semaine dernière, nous avons décidé d’envoyer le compañero Osmany pour te ratifier notre disposition à collaborer à tout, et tu peux donc nous faire connaître par son intermédiaire la façon dont tu juges la situation et tes idées au sujet du voyage prévu ici et dans d’autres pays. Le prétexte du voyage d’Osmany sera une inspection de l’ambassade cubaine, mais sans la moindre publicité. Nous voulons que son séjour soit le plus bref et le plus discret possible.

« Les points que tu as soulevés à travers Beatriz sont déjà en marche…

« Bien que nous comprenions les difficultés actuelles du processus chilien, nous avons confiance que vous trouverez la manière de les surmonter.

« Tu peux absolument compter sur notre coopération. Reçois un salut fraternel et révolutionnaire de nous tous. »

Le 30 juin 1973, nous avons adressé une invitation officielle au président Salvador Allende et aux partis de l’Unité populaire à assister aux festivités pour le vingtième anniversaire de l’attaque de la caserne Moncada.

Je lui ai écrit dans une lettre à part :

« Salvador

« Il s’agit d’une invitation officielle, formelle, aux commémorations du vingtième anniversaire. Ce serait formidable que tu puisses faire un saut à Cuba à cette date. Tu peux imaginer la joie, la satisfaction et l’honneur que ce serait pour les Cubains. Je sais toutefois que ça dépend plus que tout de ton travail et de la situation là-bas. Nous le laissons donc à ton jugement.

« Nous vibrons encore de la grande victoire révolutionnaire du 29 et du rôle brillant que tu y as personnellement joué. De nombreux obstacles et difficultés persisteront, c’est logique, mais je suis sûr que cette première épreuve réussie stimulera et consolidera la confiance du peuple. A l’échelle internationale, les événements ont eu beaucoup de répercussion et on les juge comme une grande victoire.

« En agissant comme tu l’as fait le 29, la révolution chilienne sortira victorieuse de n’importe quelle épreuve, si dure qu’elle soit.

« Je te répète que les Cubains sont à tes côtés et que tu peux compter sur tes fidèles amis de toujours. »

Je lui ai envoyé la dernière lettre le 29 juillet 1973 :

« Cher Salvador

« Carlos et Piñeiro se rendent là-bas sous prétexte de discuter avec toi de questions relatives à la réunion des pays non alignés. Leur objectif réel est de s’informer auprès de toi de la situation, et de t’offrir comme toujours notre disposition à coopérer face aux difficultés et aux dangers qui entravent et menacent le processus. Leur séjour sera très bref, car ils ont ici beaucoup de choses à faire et nous avons décidé de ce voyage malgré les sacrifices qu’il implique à cet égard.

« Je constate que vous en êtes à la question délicate du dialogue avec la démocratie-chrétienne au milieu de graves événements, comme le brutal assassinat de ton aide de camp naval et la nouvelle grève des camionneurs. J’imagine donc la grande tension qui existe et ton désir de gagner du temps, d’améliorer le rapport de force au cas où la lutte éclaterait et, si possible, de trouver une voie qui permette la poursuite du processus révolutionnaire sans guerre civile, tout en préservant ta responsabilité historique face à ce qui pourrait arriver. Ce sont là des objectifs louables. Mais au cas où l’autre partie, dont nous ne sommes pas en mesure d’ici d’évaluer les intentions réelles, s’obstinerait dans une politique perfide et irresponsable et exigerait un prix impossible à payer pour l’Unité populaire et la Révolution, ce qui est d’ailleurs assez probable, n’oublie pas une seconde la formidable force de la classe ouvrière chilienne et le soutien énergique qu’elle t’a apporté à tous les moments difficiles : elle peut, à ton appel face à la Révolution en danger, paralyser les putschistes, conserver l’adhésion des indécis, imposer ses conditions et décider une fois pour toutes, le cas échéant, de la destinée du Chili. L’ennemi doit savoir qu’elle est sur ses gardes et prête à entrer en action. Sa force et sa combativité peuvent faire pencher la balane dans la capitale en ta faveur, même si d’autres circonstances étaient défavorables.

« Ta décision de défendre la révolution en faisant preuve de fermeté et d’honneur jusqu’au prix de ta vie, ce dont tout le monde sait que tu es capable, entraîneront à tes côtés toutes les forces capables de combattre et tous les hommes et toutes les femmes digne du Chili. Ton courage, ta sérénité et ton audace à cette heure historique de ta patrie et surtout, ta direction exercée d’une manière ferme, résolue et héroïque, sont la clef de la situation.

« Fais savoir à Carlos et à Manuel ce à quoi nous, tes loyaux amis cubains, nous pouvons coopérer.

« Je te réitère l’affection et la confiance illimitée de notre peuple. »

Cette lettre date d’un mois et demi avant le coup d’Etat. Les émissaires étaient Carlos Rafael Rodríguez et Manuel Piñeiro.

Pinochet avait eu des entretiens avec Carlos Rafael. Il avait feint une loyauté et une fermeté semblables à celle du général Carlos Prats, commandant en chef de l’armée durant une bonne partie du gouvernement de l’Unité populaire, un militaire digne que l’oligarchie et l’impérialisme acculèrent à une crise totale au point qu’il dut démissionner de son poste et qui fut assassiné plus tard en Argentine par les sbires de la DINA après le putsch fasciste de septembre 1973.

Je me méfiais de Pinochet depuis le moment où j’avais lu les livres de géopolitique dont il m’avait fait cadeau pendant ma visite au Chili et où j’avais remarqué son style, ses déclarations et les méthodes qu’il avait appliquées comme chef de l’armée quand les provocations de la droite obligèrent le président Allende à décréter l’état de siège à Santiago du Chili. Je me souvenais des mises en garde de Marx dans Le 18 Brumaire.

Bien des chefs militaires de l’armée et leurs états-majors voulaient converser avec moi partout où j’allais, et faisaient preuve d’un intérêt notable pour notre guerre de libération et les expériences de la Crise des missiles, d’octobre 1962. Nos réunions duraient parfois jusqu’au petit matin, le seul moment de la journée disponible pour moi. J’avais accepté pour aider Allende, afin de leur faire comprendre que le socialisme n’était pas l’ennemi des institutions armées. Pinochet, comme chef militaire, ne fut pas une exception. Allende jugeait ces rencontres utiles.

Il meurt en héros le 11 septembre 1973, en défendant le palais de la Monnaie, se battant comme un lion jusqu’à son dernier souffle.

Les révolutionnaires qui résistèrent sur place à l’assaut des fascistes ont raconté des choses fabuleuses sur ces derniers moments. Les versions ne coïncident pas forcément, parce que chacun luttait d’un endroit différent du palais. Par ailleurs, certains de ses plus proches collaborateurs moururent ou furent assassinés à la fin d’un dur combat livré dans des conditions désavantageuses.

La différence entre les témoignages consiste en ce que les uns affirment qu’Allende a réservé ses dernières balles pour lui-même pour ne pas tomber prisonnier, tandis que, pour d’autres, il a été abattu par les balles ennemies. Le palais était en flammes à cause des tirs des chars et des avions, alors que les auteurs du putsch avaient pensé que ce serait une besogne facile qui ne se heurterait à aucune résistance. Il n’y a pas de contradiction entre ces deux manières de faire son devoir. Nos guerres d’indépendance offrent plus d’un exemple de combattants illustres qui, se retrouvant sans la moindre possibilité de défense, s’ôtèrent la vie plutôt que de tomber prisonniers.

Il reste encore bien des choses à dire sur ce que nous étions prêts à faire pour Allende. Certains ont écrit à ce sujet. Mais ce n’est pas là l’objectif que je poursuis dans ces lignes.

Il était né voilà cent ans, jour pour jour. Son exemple restera.

Fidel Castro Ruz

26 juin 2008

18h34



Intervention de Maruja PARRA Présidente de la FEDACH-FRANCE

Je suis heureuse de m’adresser à vous dans cette circonstance solennelle, où nous fêtons en quelque sorte l’anniversaire du Président Salvador ALLENDE. À ceci près que c’est un anniversaire en son absence, par défaut, ou par contumace, comme on dit en justice. Un hommage par contumace. Et ce dur mot nous ramène à une réalité difficile à occulter. Salvador ALLENDE, présidente légitime du Chili est mort parce que nous l’avions choisi pour cette responsabilité_ la responsabilité SUPREME, comme on dit.

SUPREME, c’est la dernière. Il n y en avait plus, après celle-là. Et il la prise comme nous la lui avons donnée, simplement, avec confiance, et surtout avec une très grande loyauté.

En tant que présidente de la FEDACH, la Fédération des Associations Chiliennes en France, je me sens un peu la porte du peuple chilien en France, de celui qui a contribué à élire le Docteur ALLENDE à la présidence de la République du Chili, du peuple qui a subit après sa mort des violences qui se sont déchaînées au Chili, la peur, la souffrance et l’exil.

Le fait que la communauté chilienne en France soit organisée, soit en grande partie fédérée, signifié quelque chose. Cela signifie sa volonté d’exister démocratiquement, organiquement, fraternellement, ici en France. Cela prouve que notre action est marquée par la profonde conviction, d’accomplir le devoir de con server et de transmettre, aux nouvelles génération les principes qui nous ont guidés sur le chemin vers le rêve de PLUS D’HUMANITE, LIBERTE, JUSTICE ET FRATERNITE, dont était porteuse l’Unite Populaire que nous la devons principalement à un homme, hors du commun, Salvador ALLENDE GOSSENS.
En son absence, par défaut, ou par contumace, comme on dit en justice. Un hommage par contumace. Et ce dur mot nous ramène à une réalité difficile à occulter. Salvador Allende, président légitime du Chili, est mort parce que nous l’avions choisi pour cette responsabilité — la responsabilité SUPREME, comme on dit.

SUPREME, c’est la dernière. Il n’y en avait plus, après celle-là. Et il l’a prise comme nous la lui avons donnée, simplement, avec confiance, avec sérénité, et surtout avec une très grande loyauté.

En tant que présidente de la fedach, la fédération des associations chiliennes en France, je me sens un peu la porte parole du peuple chilien en France de celui qui a contribué à élire le Docteur ALLENDE à la présidence de la République du Chili,du peuple qui a subit après sa mort, des violences qui se sont au Chili, la peur, la souffrance et l’exil.

Le fait que la communauté chilienne en France soit organisé en grande partie fédérée, signifie quelque chose.

Cela signifié sa volonté d’exister démocratiquement, organiquement, fraternellement ici en France. Cela prouve que notre action est marquée par la profonde conviction d’accomplir le devoir de conserver et de transmettre aux nouvelles générations les principes qui nous ont guidés sur le chemins vers le rêve de PLUS D’HUMANITE , LIBERTE, JUSTICE ET FRATERNITE, dont était porteuse l’Unité Populaire, que nous la devons principalement à un homme, hors du commun , SALVADOR ALLENDE GOSSENS

Merci